Au fil de mon expérience professionnelle, j’ai connu une augmentation progressive de la quantité de stress lié au travail. Au fil des situations, des projets et des collaborations, le stress est devenu plus présent et récurrent. À vrai dire, j’estime l’avoir relativement bien géré jusqu’à présent. Toutefois, les effets négatifs que j’ai pu constater sur mon quotidien, mon sommeil et ma productivité m’ont poussé à m’interroger sur le mécanisme du stress et surtout sur les solutions efficaces pour le gérer.
C’est là qu’intervient un collègue et ami, avec qui j’ai co-dirigé un projet contre vents et marées (et toujours dans la bonne humeur) : Alain Poirier, que je remercie ici. Ce Québécois énergique, qui vit dans nos contrées helvétiques, m’a prêté un livre qui n’est pas encore très connu par ici, écrit par une docteure en médecine, Canadienne également : Sonia Lupien, « Par Amour du Stress ! » Il ne me fallait pas plus que ce titre énigmatique pour plonger dans le bouquin, et il me tarde de partager avec vous ses enseignements, au nombre de 8 :
1. Le stress est une réaction normale, ancestrale et physiologique du corps face à un danger imminent.
Je vous épargnerai le détail du mécanisme physiologique que provoque un stresseur dans notre organisme, mais il est important de retenir ces quelques éléments : Lorsque le cerveau détecte un élément menaçant dans notre environnement – l’auteure prend l’exemple pittoresque du mammouth préhistorique – il tire la sonnette d’alarme et enclenche la production des hormones du stress : le cortisol et l’adrénaline. Celles-ci provoquent à leur tour toute une série de réactions, qui a pour objectif de mettre le corps en alerte :
- Sens en alerte, dilatation des pupilles
- Système pileux au garde-à-vous
- Augmentation du rythme cardiaque
- Centralisation du sang dans la région du cœur
- Augmentation de la pression sanguine, pour augmenter la circulation du sang vers les muscles
- Dilatation des veines pour faciliter le retour rapide du sang vers les poumons et la réoxygénation
- Resserrement des vaisseaux sanguins de la peau (en cas de blessure, moins de pertes de sang)
- Réduction drastique des fonctions digestives
- Activation des glandes sudoripares
- Production d’endorphines
- Métabolisation du glucose et du gras stockés pour créer une source d’énergie instantanée
- Augmentation de la vigilance et de la concentration, réduction des capacités émotionnelles et cognitives
L’ensemble de ces réactions prépare le corps à survivre : les hommes combattent ou fuient, les femmes s’assemblent et protègent (cette différence de genre a été prouvée par plusieurs études citées dans l’ouvrage, comme toutes les autres affirmations d’ailleurs).
Détecter les menaces est la tâche première du cerveau, afin de nous permettre de survivre dans un environnement hostile (replaçons-nous dans un contexte de chasseur-cueilleur : notre cerveau n’a pratiquement pas changé depuis lors). Il s’agit donc d’une réaction primale, instinctive, qu’on ne peut pas prévenir et maîtriser.
2. Le stress mobilise une grande part d’énergie.
Lors d’un épisode de stress aigu, l’intégralité des ressources corporelles est mobilisée. Il devient difficile voire impossible d’effectuer d’autres tâches que celle de s’occuper de la menace. Le cerveau focalisera toute l’attention sur les informations pertinentes en lien avec la menace et ignorera les informations non-pertinentes. Une fois la situation de stress résolue, le corps réclamera un important apport d’énergie : il faut manger !
3. Il existe différents types de stress.
Le stress a longtemps été perçu comme étant globalement négatif. En réalité, il en existe différents types, et certains peuvent être bénéfiques. Identifier leur nature aidera à les gérer :
Stress absolu
Le stress absolu est la réponse aiguë à une situation périlleuse et soudaine : votre enfant s’engage sur un passage piéton et vous percevez soudainement qu’un véhicule approche à une vitesse trop grande pour éviter la collision. La réponse de stress vous permettra de dégager une énergie suffisante pour rattraper votre enfant, le soulever et l’arracher à une mort certaine en un laps de temps surhumain : à un niveau instinctif, il s’agit là d’assurer la survie de l’espèce. Stress positif.
Stress relatif
Votre quotidien est surchargé, vous croulez sur les projets et votre responsable vous en attribue un nouveau, évidemment urgent, qui court-circuite la manière dont sont attribués normalement les dossiers. La réponse de stress est relative, car si le nombre de projets en cours était moindre, le nouveau projet serait en principe accueilli positivement. Stress négatif.
Eustress
Lorsque des base-jumpeurs s’élancent de leur falaise, leur corps génère un important stress, dû à la chute libre évidemment. Il s’agit d’un stress positif, car ses effets sont ceux recherchés par les adeptes de cette discipline : adrénaline, endorphines, etc. Stress positif.
Détresse
Si les base-jumpeurs emportent avec eux un ami (imaginez un enterrement de vie de garçon), l’engoncent dans une combinaison et, admettons, le lancent de la falaise, la même situation sera vécue par le fiancé comme éminemment négative. Stress négatif.
Le problème est que le cerveau n’identifie pas ces différentes formes de stress lorsqu’il enclenche les réactions physiologiques associées. Cette identification ne survient, potentiellement, qu’après l’événement et est un processus conscient et cérébral (c’est-à-dire qu’elle n’a lieu que si le propriétaire du sujet analyse la situation).
4. La répétition d’un stress aigu se transforme en stress chronique.
Lors d’un épisode de stress aigu, le corps mobilise ses ressources pour survivre, et lorsqu’il parvient à retrouver un environnement sûr, les hormones du stress réaccèdent au cerveau et enclenchent les mécanismes de retour à la normale (qu’on appelle l’allostasie, à glisser en société). Imaginez maintenant que ce que perçoit le cerveau comme étant une situation menaçante se répète avant le retour à normale. Le corps va relancer la production d’hormones de stress et remobiliser les ressources pour permettre la survie… Vous voyez le tableau.
5. Le stress chronique dérègle le mécanisme du stress et provoque divers maux :
Le cerveau, dans un environnement perpétuellement hostile, va s’adapter. Il va induire un certain nombre de changements, qui sont en fait des dérèglements, pour permettre au corps de survivre en permanence. Ces dérèglements provoquent une palette variée de symptômes, dont je vous livre ici un échantillon :
- Surcharge pondérale abdominale
- Troubles cardio-vasculaires
- Augmentation du mauvais cholestérol
- Diabète
- Affaiblissement du système immunitaire
- Trouble de la mémoire et de la concentration
En sus, le dérèglement de la production des hormones du stress provoque soit des symptômes dépressifs (hyperproduction de cortisol) soit d’épuisement professionnel (hypoproduction).
On l’aura compris, les situations sources de stress sont aujourd’hui omniprésentes, dans un monde hyperconnecté, hyperinformé, où tout va si vite. Et même si l’on considère qu’il s’agit essentiellement de stresseurs relatifs, leur effet sur notre métabolisme n’en est pas moindre. Et lorsque l’on parcourt l’ensemble des maux potentiellement dus au stress, on est tous d’accord : il faut s’en occuper !
6. L’identification et la définition du stress est le premier pas vers sa gestion.
La problématique du stress, particulièrement professionnel, est qu’il est souvent dû à une multitude de sources, qui se cumulent et qui se retrouvent souvent amalgamées en une fataliste expression : « je suis stressé ».
Tout d’abord, il est important de comprendre que le stress n’est pas inhérent à notre identité, à notre travail ou à notre entourage : il est lié à des situations. Si vous vous repassez en mémoire les instants où vous vous sentiez en état de stress, vous verrez que lorsqu’une personne vous a stressé, c’était plus en fonction des circonstances que de la personne en question : untel me demande de gérer un nouveau dossier, alors que j’en ai déjà tellement à traiter !
Dans son ouvrage, S. Lupien démontre que chaque situation source de stress peut être reliée à l’une ou plusieurs des caractéristiques suivantes, résumées par l’acronyme CINE :
C : Perte de Contrôle : Tout ou partie de la situation échappe à votre contrôle
I : Imprévisibilité : La situation se compose d’éléments imprévus ou imprévisibles
N : Nouveauté : La situation est nouvelle pour vous
E : Atteinte à l’Ego : La situation menace votre égo, votre personnalité
Chaque situation source de stress comporte au moins l’une des composantes ci-dessus. Essayez, prenez n’importe quelle situation qui vous a stressé, et analysez-la à l’aide de ces caractéristiques et vous serez comme moi confondu par la véracité de l’approche.
Note : la composante « temps », souvent citée comme la principale source de stress (en fait la pression du temps), est toujours secondaire et corollaire des points CINE. On n’a pas le temps car des éléments imprévus se sont glissés dans l’agenda, parce qu’une situation est nouvelle et qu’on ne sait pas (encore) comment la gérer, ou parce qu’une partie de la situation n’est pas maîtrisée et hors de notre contrôle. La pression du temps est donc plutôt la conséquence des éléments sources de stress.
Alors, comment gérer tout le stress que nous accumulons ? Voici (enfin !) la méthode proposée par S. Lupien pour réduire l’impact du stress sur notre santé.
7. Méthode principale pour diminuer le stress