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Entrepreneur.e.s, devez-vous investir dans la mise en valeur de votre patrimoine? Les 5 paramètres à prendre en compte.

Entrepreneur.e.s, devez-vous investir dans la mise en valeur de votre patrimoine? Les 5 paramètres à prendre en compte.

Dans ces temps que je qualifierais d’incertains (pour le moins), les décisions d’investir sont compliquées pour ne pas dire périlleuses, au sein des directions d’entreprises . L’arrêt brutal de l’économie mondiale et la contraction de la plupart des secteurs ont logiquement amené les équipes dirigeantes à faire preuve d’une grande prudence dans les choix d’investissements à réaliser au sein de leur entreprise. La sélection et la priorisation des investissements, liées au développement futur de l’entreprise (voire même à sa survie), dépendent d’un nombre si grand de facteurs, internes et surtout externes, qu’il paraît illusoire de vouloir les lister, d’autant plus que les situations varient fortement et ne tolèrent pas de généralisation.

L’objectif de ce court article est de présenter différents éléments qui peuvent aider à la décision d’investir, ou non, dans la gestion et la mise en valeur du patrimoine historique de votre entreprise. Il est donc ici question d’explorer les différents paramètres susceptibles de guider les dirigeant.e.s d’entreprises dans un choix conscient et raisonné de leur politique patrimoniale.

Connaissance de l’état de vos archives

Avez-vous déjà visité les locaux d’archives de votre société? Possédez-vous une vision claire de leur état, de leur qualité, de leur gestion? Quelqu’un parmi votre personnel est-il.elle en charge de cette gestion? Les réponses à ces questions sont des premières indications qui vous permettront d’établir le cadre de réflexion préalable à toute décision. Établissons à l’aide d’un tableau les différents cas de figure, en prenant en compte votre niveau de connaissances de l’état des archives couplé à leur état effectif. Dans le corps du tableau, nous proposons déjà une action possible.

tableau d'analyse

Envergure et temporalité de l’entreprise

L’ancienneté et la taille de votre entreprise joue un rôle important dans cette décision. Si vous avez fondé votre entreprise individuelle de coaching l’année dernière, vos archives sont inexistantes et la mise en valeur patrimoniale n’a aucun objet. Si votre entreprise a 5 ans et que votre carnet de commande déborde et vous assure un gagne-pain pour plusieurs années (autrement dit, ça marche du tonnerre pour vous), vous n’avez certainement pas de raison de vous soucier, pour l’instant du moins, de mettre en valeur l’histoire de votre société. En revanche, il paraît opportun dès l’amorce de votre projet de vous assurer que les sources sont préservées correctement et qu’elles vous permettront demain d’expliciter et de mettre mettre en valeur votre savoir-faire.

 

horloges

Le savoir-faire justement, c’est l’une des caractéristiques principales des entreprises plus anciennes. En effet, si votre entreprise existe depuis 10, 20, 50 ou 100 ans, elle a accumulé en son sein un véritable savoir-faire, préservé – espérons-le! – dans vos archives. Une temporalité longue recèle donc – logiquement me direz-vous – un haut potentiel : une riche histoire de produits ou services, de nombreux événements, des innovations récurrentes, un mécénat insoupçonné… Vous serez surpris de découvrir à quel point le meilleur du marketing ne peut remplacer l’œuvre du temps.

Vision et stratégie de l’entreprise

Tous les manuels de management vous le diront: pour piloter une société efficacement, il faut lui apporter une vision vers laquelle tendre et une stratégie pour y parvenir (puis les outils, etc.). La vision et la stratégie globale ont naturellement un impact important sur l’opportunité ou non de développer une politique de mise en valeur du patrimoine. Lorsque l’entreprise est tournée vers l’innovation à tout prix, la maîtrise de son histoire lui permet de solidifier son ADN et de renforcer ses valeurs; en d’autres termes, de créer une base saine pour soutenir les efforts d’innovation. Si la stratégie est de mettre en avant la solidité de la société, de montrer la qualité de ses produits et services, ou d’amener une longue et robuste expérience à ses clients, la mise en valeur des événements, des innovations et des achèvements passés permettra d’asseoir une légitimité et d’assurer la perception d’une authenticité réelle et non construite.

Depuis quelques temps, une nouvelle métrique est apparue pour jauger de la qualité des entreprises: le développement durable. Seulement voilà, rares sont celles qui ont inclus cet aspect dans leur stratégie avant que cela ne devienne un must… Une plongée dans vos archives pour révéler l’existence d’initiatives, peut-être passées inaperçues jusqu’à présent, qui allaient dans le sens d’une économie des ressources, d’une optimisation des processus avec un impact positif, mettons, sur l’empreinte carbone de votre société! Il s’agit bien sûr d’un peu de récupération, mais le jeu en vaut peut-être la chandelle… Il est certainement plus sain de mettre en valeur quelques initiatives bien réelles que de tenir un discours-bullshit sans réel engagement dans un changement quelconque.

On peut également prendre en compte le périmètre géographique couvert par les activités de la société. Lorsqu’une entreprise a un périmètre d’activité régional ou national, par exemple dans le cadre d’un district industriel doté de multiples interconnexions, il peut être très valorisant, à la fois pour elle et pour la région, de participer à l’écriture de son histoire économique. Les impacts ne seront peut-être pas gigantesques sur le panel des clients existants, mais ancrer l’entreprise dans sa terre d’accueil pourrait, en plus de lui assurer un gain en termes d’image, lui permettre d’approfondir, là encore, la légitimité de son expérience et de son savoir-faire.

Calculs

Nature des produits et des services

Si votre entreprise produit des chars d’assaut, il sera certainement plus difficile de vendre du rêve à vos prospects que si vous produisez des prothèses pour blessés de guerre ou, totalement au hasard, des garde-temps prestigieux… Pour autant, la nature de vos produits ou services ne joue pas un rôle central dans la décision de mettre en valeur l’histoire de votre société. Je m’explique : en principe, si votre entreprise prospère depuis un certain temps, c’est que votre offre rencontre une demande, peu importe le domaine. Cette demande est naturellement fluctuante, et pour la consolider, il peut être avisé de recourir à une communication adéquate sur la solidité de votre entreprise à travers le temps, sur la fiabilité de votre offre ou sur les valeurs qui la définissent. Même un cigarettier peut mettre en avant ses efforts constants pour réduire la toxicité de ses produits tout en maintenant une qualité constante. Bon, je vous l’accorde, leur équipe de com. doit développer des trésors d’ingéniosité!

Le secteur des services n’est pas en reste! Il peut paraître plus complexe de communiquer sur une offre immatérielle, mais en fait, la communication sert les mêmes buts : renseigner sur les valeurs de l’entreprise, souligner la « success story », rassurer sur la qualité des services grâce à la longévité, etc.

Don't OpenEt si ça pue ?

Il reste un point sensible à aborder: que faire lorsque l’entreprise a traversé une période sombre, a commercialisé des produits qui se sont révélés nocifs, a cumulé des échecs jusqu’à la faillite avant d’être redressée ou rachetée par une tierce partie? Comment communiquer sur un passé dont on n’est pas très fier? Il s’agit là d’un vaste débat, que je me permet d’effleurer avec cette option : faire le pari de la transparence. L’authenticité paye toujours. Assumer ce qui a conduit votre entreprise à se réinventer, à apprendre des erreurs passées, c’est assurer la confiance de vos client.e.s et de vos partenaires en ce qui concerne votre fiabilité, votre capacité à rebondir et les valeurs qui vous animent. Bon, si les cadavres sont trop frais ou trop nombreux, la communication sur votre glorieux passé est peut-être le cadet de vos soucis…

Par ce court article introductif, j’espère avoir suscité votre intérêt sur la mise en valeur du patrimoine entrepreneurial et sur les opportunités qu’elle peut contribuer à créer. Je vais certainement approfondir l’un ou l’autre point dans des prochaines publications, et serai ravi de recevoir votre feedback en commentaire!

Et rappelez-vous l’excellent axiome de Paul Watzlawick :

On ne peut pas ne pas communiquer.

La Gouvernance de l’information dans les entreprises industrielles

La Gouvernance de l’information dans les entreprises industrielles

Photo by Jan Antonin Kolar on Unsplash

Les sociétés industrielles ont la particularité de posséder, dans leur grande majorité, une longue histoire et des fondations parfois pluriséculaires. Il s’agit d’un univers souvent très structuré, où les hiérarchies et les processus restent relativement figés, ou du moins montrent une grande inertie devant les changements sociétaux. S’il existe bien entendu des exceptions incontournables (citons Tesla), l’essentiel du tissu industriel mondial suit encore des modèles d’organisation hérités du XXe siècle voire du siècle précédent, a fortiori en prenant en compte les petites et moyennes entreprises.

Une prise de conscience est toutefois en train se produire dans un nombre croissant d’industries, avec l’émergence du « 4.0 », qui entend intégrer les derniers développements technologiques aux processus industriels voire même de repenser ceux-ci à l’aune d’un nouveau paradigme: la data.

L’information est donc en train de se placer au centre des stratégies entrepreneuriales et économiques et d’acquérir une valeur sans précédent. Néanmoins, il semble d’après mon expérience que ce phénomène est paradoxalement mal compris et mal géré (lorsqu’il n’est pas ignoré) par les acteurs industriels, qui peinent à se projeter au-delà de la mise en place d’un site de vente en ligne et d’une stratégie de communication digitale. Il y a, de façon plus ou moins flagrante, méconnaissance des opportunités potentielles que fournit une gestion avancée de l’information au sens de l’entreprise, tant d’un point de vue interne (optimisation des processus internes, transmission des savoir-faire, synergies inter-fonctions) qu’externe (développement de nouveaux produits, maîtrise et exploitation des flux de données clients, compréhension des marchés, et bien sûr valorisation du patrimoine…).

Dans les sociétés de petite et de moyenne envergures, les enjeux liés à la bonne gestion informationnelle peuvent être considérés comme secondaires. En effet, essentiellement liées à des écosystèmes régionaux voire locaux, ces entreprises peuvent saisir et gérer sans trop de difficultés l’ensemble des flux informationnels qui les concerne, internes comme externes. En revanche, les sociétés internationales, présentes sur un grand nombre de marchés, ont vu la complexité de la captation et de la gestion des flux croître intensément avec la société de l’information, globalisée, hyper-connectée, multi-plateforme. Il ne s’agit pas d’opposer ici PME et multinationales dans une vision trop manichéenne et pas vraiment réaliste, mais bien de souligner la différence d’échelle, qui devrait théoriquement transformer l’enjeu de la gouvernance de l’information en un élément hautement stratégique.

Cette gouvernance de l’information, que je définis comme l’intégration à un niveau stratégique de la gestion de l’information sous toutes ses formes, peine pourtant à s’inviter à la table des conseils d’administration. Selon mon expérience encore, les initiatives pour mettre en place une gestion informationnelle proviennent généralement des fonctions opérationnelles, qui cherchent à améliorer leur productivité pour répondre aux objectifs parfois exigeants (ubuesques?) de leur hiérarchie. Par exemple, au cours de mes recherches, un responsable de production m’avait annoncé, non sans une pointe de fierté, qu’il ne commandait plus une seule machine qui ne soit pas pourvue « d’une prise RJ45 », autrement dit de la capacité à transmettre ses données de production à un système tiers, et ce même s’il n’avait pas de système tiers. S’il avait bien compris l’importance que la gestion des données allait revêtir au sein de son organisation dans un futur proche, il n’avait aucune stratégie à laquelle rattacher ses choix opérationnels.

La lenteur de la mise en place d’une gouvernance de l’information dans ces grandes structures industrielles n’est pas forcément à imputer au manque de vision ou de compréhension de ses organes dirigeants: c’est justement la taille et la complexité multilatérale de ces entreprises qui rendent la tâche herculéenne. Il s’agit non seulement de prendre en compte les multiples filiales de par le monde (approche horizontale) mais également le réseau souvent complexe de fonctions et même d’entreprises-filles qui les composent (approche verticale). Les projets de gestion de l’information existent évidemment mais sont rarement coordonnés par une stratégie globale et cohérente.

Dossiers

Photo by Wesley Tingey on Unsplash

De cette courte considération personnelle sur la question de la gouvernance de l’information dans les entreprises industrielles, je souhaite proposer une recommandation qui permettrait, à défaut de proposer une stratégie applicable et généralisable, au moins d’en poser les premiers jalons. Il s’agirait d’intégrer, au sein de la direction, un certain nombre de sessions de travail, axées sur l’identification et l’appréciation de tous les flux d’information liés à l’entreprise, tels que cités plus haut, en incorporant des spécialistes des différentes fonctions. L’objectif principal serait de créer une cartographie transversale de ces flux, d’identifier les points de convergence, d’interconnexion et d’interdépendance et surtout, de s’assurer une compréhension commune des enjeux et des défis à relever. Il s’agirait pour moi d’une première étape vers l’établissement d’une véritable stratégie de la gouvernance de l’information.

Cet article a été publié en 2020 dans l’ouvrage collectif Océan Bleu – 2020 par l’association GouvInfo : lien